Dans l’esprit d’Alros
Bonjour Monsieur, Je suis Foca Escardril. Je suis une fée de Téeh. C’est la forêt que vous nous avez juré de protéger, en tant qu’homme, empereur du Rexcan. Je crois que vous comprenez la fidélité et l’allégeance d’un être vivant pour un autre. Je suis fidèle à mon Roi. Les créatures de la forêt de Téeh le sont toutes.
Apprenez qu’ à l’occasion, elles peuvent sonder les pensées des voyageurs qui passent sur leur territoire. Beaucoup de fée en sont capables, mais peu utilisent ce pouvoir. Il est mal perçu par le peuple de Téeh. Pourtant, ce matin, nous avons découvert aux abords d’un ruisseau, un homme accablé par les remords, le doute et perdu dans d’innombrables réflexions. Ce que je partage avec vous, c’est une synthèse de quelques instants de ses pensées. J’espère que vous saurez quoi en faire, car mon roi m’a ordonné de vous les suggérer.
Alros regardait dans le torrent les balafres qui entaillaient désormais son visage. Il y en avait quelques nouvelles qu’il avait gagnées à Ôprofonde, avec son dernier contrat. En observant le fond du petit torrent qui dégringolait du pierrier pour rejoindre le puissant fleuve, il repensait à cette escarmouche. Le but était simplement de les ralentir, d’en poinçonner un ou deux, puis de déguerpir. Seulement voilà, le petit groupe de roublards n’en était pas un. Ils étaient même plutôt expérimentés, les bougres ! Avec le peu d’information qu’on nous avait donnée, la troupe de mercenaires avait fait son travail. Mais à quel prix ? L’escorte que nous avions affrontée était faite de soldats endurcis, d’un nain coriace, d’un combattant pirate, de chevaliers, et même d’un puissant homme loup. La maitrise de la mission lui échappait. Il frappa la surface de l’eau avec son poing.
« Diantre, comment aurais-je pu savoir que c’était l’empereur, le vrai, qui était la cible. »
Et oui, sa troupe de vaillants camarades avait une nouvelle fois subit un revers, par quelques manigances bien ficelées dans son dos. Des pensées de ses précédentes missions lui vinrent à l’esprit : Main sept cœurs fredonnant d’agaçantes tirades pour énerver Aslivia sur la route de Marelle…
C’est à ce moment qu’un renard est sorti des buissons. L’homme guerrier n’a pas bougé une lanière de cuir. Sa large épée est restée au sol, dans les cailloux. Le renard est passé rapidement, c’est tout. Je suis pourtant sûr qu’il l’a perçu. Il doit avoir quelques pouvoirs instinctifs et sait parfaitement se maitriser.
Quand je suis revenu vers son esprit, Alros en venait à douter de son allégeance. Quinze longues années le séparaient des bruyantes rues de Sigil. Quinze ans à arpenter les nouveaux territoires de Canédie. Tout d’abord, pour retrouver ses amis, puis pour retrouver le colis qu’ils devaient ramener à Sigil. Et puis main sept cœurs a déraillé. Il a pris contact avec un grand magicien, un vieux fou qui l’a persuadé de retrouver un elfe noir emprisonné quelque part sous terre. Sept cœurs était mon ami, je n’ai pas eu d’autre choix que de l’aider. Et voilà où nous en sommes. Le groupe est défait. Devrions-nous demander la clémence de l’empereur ? Devrions-nous trouver le moyen de contacter le rat d’Oressa ? J’en doute, il avait plus d’informations, et ne nous les a pas transmises. Et Sorn, grrr.
Ses pensées s’entrechoquaient, mais n’aboutissaient à rien.
« Mon ami ! ». Il claqua de nouveau la surface de l’eau. « Comment pourrais-je te venir en aide, si je ne sais ce que tu as en tête. Je ne sais même plus où tu te trouves. Je suppose que tu es dans ton sac monde… L’empereur est avec son armée. Il combat probablement dans le sud du Rexcan. ».
Alros, se tourna vers l’est et leva la tête vers les hautes montagnes qui encerclaient le duché d’Ultokar. Ses pensées allaient vite à présent, et il se décida pour retrouver Charles Le Maule Archefer, afin de lui exposer son histoire. Si la rumeur disait vrai, il l’écouterait, et, peut-être, le pardonnerait-il. Alros se releva et siffla dans ses mains. Ses deux compagnons, le rejoignirent, et ils se mirent en route en passant le ruisseau, et en grimpant vers la direction des plateaux du sanctuaire. J’eus peur, car je n’avais pas senti leur présence.
C’est à ce moment qu’il a senti la mienne. Il s’est retourné et m’a fait un sourire. C’était un homme brun barbu, couturé de cicatrices au visage. Quand il leva la main, je virevoltais pour m’éloigner à tire d’ailes. Je ne crois pas qu’il m’ait voulu du mal.