Carnets épistolaires de Turin: Contextes et protecteurs du néant
Ces guerres cachées sont relatées par Eskeinzern de Turin et son frère Lamanil, dans les carnets épistolaires.
Au commencement…
Au commencement des temps, il y avait deux forces primordiales : Slilkult et Galdameth. Slilkult incarnait la puissance brute, infinie, capable de créer et de détruire sans réelle volonté propre. Galdameth, quant à lui, était le maître du temps, un calculateur habile, mais dépourvu de pouvoir direct. Son seul don était celui de manipuler les actions de Slilkult, en les avançant ou en les retardant selon son dessein.
Un jour, Slilkult façonna Daorn, le tout premier monde. Cela marqua le début d’une ère de création frénétique. Au fil du temps, il donna naissance à trois enfants, qui devaient, tragiquement, causer sa perte. Le premier de ses enfants fut Bellamala, une créature empreinte d’une énergie bouillonnante, avide de créations et d’expériences nouvelles. Sa fougue était telle que Slilkult devait parfois s’éloigner d’elle pour trouver la paix. Pourtant, derrière cette frénésie créatrice, Galdameth œuvrait en silence, manipulant le second enfant, Sronhischt, et faisant naître en lui une jalousie féroce, un désir dévorant de s’emparer du pouvoir créateur de son père et de sa sœur. Il est difficile de retrouver traces de la genèse, mais je me pencherai sur ce travail un jour car il existe toujours des témoins et des peuples qui les suivent. Sous l’influence de Bellamala, les plans furent inondés d’une multitude de créations – certaines d’une grande beauté, d’autres empreintes d’ombres.
Le troisième enfant, Athnas, naquit ensuite. Il créa Sephaloria, une entité conçue pour protéger Slilkult, leur père. Athnas et Sephaloria demeurèrent invisibles aux yeux de leurs frères et sœurs, parcourant les plans en les illuminant de magie pure et de lumière divine. Ensemble, ils tissèrent les légendes qui nourrissent encore aujourd’hui nos mondes, laissant derrière eux des récits de puissance et de mystère qui continuent d’imprégner chaque recoin de la création.
Vie et corruption ne font qu’un
Avec l’abondance de créatures déchaînées, les mondes sont devenus des lieux sauvages et corrompus, où le mal s’insinue dans chaque recoin. Les guerres sanglantes déchirent les cieux, les plans négatifs et positifs se consument, et même les plans primaires vacillent sous le poids de ces entités viles et dénaturées. Les grandes puissances, celles des seconds, qui gouvernent après les premiers créateurs, sont forcées d’agir. Elles voient en ces créatures des menaces à éradiquer, ou à tout le moins à contenir. Parmi les plus intelligents et ambitieux d’entre eux, l’Athnasien Haderzo est choisi pour mener cette mission de pacification. Il est celui qui pourrait enfin rétablir un semblant d’ordre dans ce chaos grandissant.
Postulat : Toute magie, qu’elle soit divine ou démoniaque, prend sa source en Slilkult, le père de toute existence. Que son essence soit lumineuse ou ténébreuse, bienveillante ou destructrice, droite ou chaotique, elle est issue de lui. Pourtant, dans ce grand équilibre immuable, une fissure se forme, et Haderzo, l’Athnasien, va en être l’instigateur.
Guidé par son mentor, Akrlinn Artria, Haderzo ne voit pas, ou ne veut pas voir, les ramifications de ses actes. Il ne prend pas garde aux avertissements murmurés par les sages. Aveuglé par sa propre créativité, il commence à façonner une nouvelle magie – une magie qui n’est pas issue de Slilkult, mais de Galdameth, maître du temps. Ce n’est pas une magie ordinaire, ni même une magie de création. C’est une magie noire, une force subtile et insidieuse qui, bien qu’elle n’ait pas de pouvoir direct, peut influencer tout ce qu’elle touche. C’est une magie de manipulation, une magie qui s’étend comme une ombre à travers les plans.
Avec l’aval de ses pairs, et sans que son mentor ne l’en dissuade, Haderzo entreprend de créer son propre demi-monde. Un lieu façonné à partir de cette magie, un lieu où les lois de l’univers peuvent être remodelées.
Au départ, son œuvre est un triomphe. Les bâtisseurs, ces êtres immortels chargés de maintenir l’équilibre des mondes, sont envoyés dans ce demi-monde pour y créer des prisons capables de retenir les plus grandes abominations des plans. Des êtres corrompus, des créatures infernales qui menacent de briser les fondations mêmes de la réalité. Les bâtisseurs, armés des bénédictions des anges et des démons – ces entités des seconds –, érigent des geôles indestructibles. Les prisons d’Haderzo fonctionnent à merveille pendant des éons, les grandes puissances s’accordant temporairement pour contenir les indésirables.
Mais les démons, dans leur perfidie éternelle, ne tardent pas à convoiter le pouvoir des bâtisseurs. En dépit des interdits des Aasimons, ils cherchent à dominer ceux qui ont créé les prisons. Les bâtisseurs, s’en rendant compte, tentent de se libérer des chaînes divines qui les lient à leur mission sacrée. De nombreuses histoires relatent leurs luttes. Certains réussissent à briser leurs liens et à retrouver leur liberté. D’autres sont asservis à des forces obscures, contraints de servir des êtres qu’ils méprisent. Certains, dans leur quête de puissance, se dénaturent, perdant leur essence originelle pour devenir des monstres déchus. Et puis il y a ceux, les moins chanceux, qui se consument entièrement, ne devenant rien de plus que des esclaves de ces créatures qu’ils devaient emprisonner.
Les prisons sont néanmoins bâties. Chaque geôle est dotée d’un protecteur, et de gardiens puissants capables de converser à l’unisson avec leur protecteur. Ces gardiens, bien qu’impressionnants, ne sont pas suffisants à eux seuls. Pour garantir que ces prisons demeurent inaccessibles, les Piliers de la Renaissance sont créés. Ces artefacts, façonnés par Bellamala, la première des enfants de Slilkult, sont des pierres d’un pouvoir indescriptible, permettant de voyager d’une prison à l’autre, reliant ainsi les geôles à travers les plans. Les protecteurs les ont rebaptisées Pierres de Lune, et elles sont placées sous la garde vigilante des Mahamets, ces entités métamages aux pouvoirs incommensurables. En tant que bâtisseurs, nous sommes tous investis de la mission de veiller à ce que ces gardiens ne faiblissent jamais.
Pendant longtemps, tout se déroule sans heurt. Les geôles demeurent inviolées, les gardiens assurent leur vigilance éternelle. Mais alors, survient l’impensable : un Athnasien tombe dans la démence. Mais pas n’importe lequel. C’est Haderzo lui-même, le créateur de la Canédie, l’architecte de ces prisons, qui sombre dans la folie.
Haderzo, dans son arrogance croissante, découvre l’essence véritable de Galdameth, et avec elle, le pouvoir de manipuler le temps lui-même. Ce qu’il fait de cette découverte marque le début d’une ère sombre pour tous les plans d’existence.
Ainsi, les mondes se retrouvent à la merci d’un être qui maîtrise non seulement la création et la destruction, mais aussi le temps. Et ce n’est plus qu’une question de temps avant que l’équilibre fragile ne s’effondre…
J’aimerais mettre la main sur le support de cette découverte. Probablement que son lien avec Sronhischt y est pour quelques chose, car il décide de refondre les mondes. Pour cela, il mêle sa magie noire à celle de Galdameth, et crée le néant. Jusqu’à ce jour cette magie m’est totalement hermétique. Ce concept, aussi terrifiant que fascinant, ne semble qu’à la portée d’Haderzo lui-même. Cette nouvelle magie, imprégnée du vide et du chaos, défie les lois que nous pensions immuables. Et pourtant, elle tue sans remords, éradiquant nombre d’Athnasiens, frères et sœurs, dans une spirale de destruction au nom de ce nouveau maître qu’il s’est choisi : Sronhischt.
La chute d’haderzo
C’est à ce moment précis qu’intervient Akrlinn Artria, le mentor d’Haderzo. Il comprend que son élève est perdu, mais il se bat pour sauver ce qu’il peut encore. Il arrache à la folie celle qui représentait tout pour Haderzo, Sireth Asfarel, son âme-sœur. En accomplissant cet acte de sauvetage, Haderzo abandonne le dernier fragment de son humanité. Il devient l’entité que nous connaissons aujourd’hui sous ce nom, son identité de créateur effacée à jamais.
La chute d’Haderzo fut rapide, mais les survivants Athnasiens n’étaient pas sans ressources. Ensemble, ils décidèrent de le détruire en utilisant une arme unique : le sans pouvoir. Cette arme énigmatique, dont l’essence demeure mystérieuse, ne tue pas par force brute, mais en annihilant l’existence même de l’âme qu’elle touche. Haderzo fut réduit à l’état d’une âme délabrée, fragmentée, sans forme, sans force. Mais, même dans cet état, il restait dangereux. C’est pourquoi les bâtisseurs furent chargés de son emprisonnement.
Nous avions déjà beaucoup à faire avec les gêneurs emprisonnés à travers les plans, ces créatures corrompues qui menaçaient l’ordre des mondes. Et pourtant, malgré la guerre froide qui faisait rage sur la Canédie, malgré nos dissensions et nos responsabilités, nous dûmes obéir à nos créateurs et accueillir l’âme brisée d’Haderzo. Notre devoir envers l’équilibre cosmique surpassait nos préoccupations personnelles.
Les protecteurs prirent donc la décision de diviser l’âme d’Haderzo et de l’enfermer dans cinq prisons dispersées à travers les plans. Aucun plan de ces prisons ne fut gardé, car il valait mieux que même les plus puissants d’entre nous ignorent leur localisation exacte. Cela aurait dû être la fin.
La guerre cache tant d’actes ignobles
Mais l’histoire, comme nous le savons tous, n’est jamais aussi simple. Très vite, la Canédie fut ravagée par la guerre. Les démons, brisant leur serment de non-ingérence envers les Aasimons et les bâtisseurs, se lancèrent dans une campagne de dévastation. Les terres furent consumées, les peuples éradiqués. Et dans ce chaos, Haderzo trouva sa chance. Une fissure dans l’édifice que nous avions construit, une opportunité de corrompre certains des bâtisseurs eux-mêmes.
Ce fut sur la cité de K’Tal que son influence se fit d’abord sentir. Les gardiens et protecteurs de cette cité autrefois resplendissante tombèrent sous son emprise. C’était une cité fière, un bastion de sagesse et de magie, mais elle ne put résister à la corruption. K’Tal devint une arme dans les mains de l’ennemi. Avec la destruction de cette prison, Haderzo parvint à libérer une partie de son essence. Il pouvait désormais infiltrer d’autres âmes, voyager dans les esprits et les corps des damnés qu’il avait déjà corrompus.
Ainsi furent créés les Negath, ces protecteurs déchus, bâtisseurs corrompus et damnés pour l’éternité. Des êtres qui autrefois avaient juré de maintenir l’équilibre, mais qui étaient maintenant les serviteurs les plus fidèles d’Haderzo. Nous, les bâtisseurs, avons tenté de les arrêter, mais leur pouvoir combiné avec celui d’Haderzo rend la tâche presque impossible. Chaque jour qui passe, il s’aventure plus loin, s’approchant des autres prisons où ses fragments d’âme attendent encore leur libération.
Y a t il de l’espoir ?
Nous nous trouvons à une croisée des chemins, un moment crucial où tout pourrait basculer. Les protecteurs tentent désormais de rassembler leurs forces pour emprisonner à nouveau Haderzo et ses Negath. Mais nous savons qu’à chaque instant, il devient plus fort, plus rusé. La Canédie, ravagée par la guerre et la corruption, est sur le point de sombrer définitivement.
Il nous reste peu de temps, et encore moins de certitudes.
Encore des guerres
La conclusion de ces correspondances éparses n’est pas claire, mais il semble que quatre protecteurs Negath aient trouvé un rituel capable de créer d’autres Negath au service d’Haderzo. Ces negaths n’ont pas de volontés propres, mais il sont contrôlés par ses puissants maitres ritualistes. Il faut tuer les maitres, et les enfermer à nouveaux.
La fin de ce carnet montre aussi qu’Eskeinzern et Lamanil ne s’entendent plus sur la manière de gérer ce conflit. Les autres bâtisseurs s’engagent avec l’un ou l’autre, voire se retirent. D’ailleurs il semble que cela soit Eskeinzern qui finit l’ouvrage.
Ah, les démons… Ils ont toujours le chic pour flairer le chaos et s’en nourrir comme des charognards affamés. Azroliark, l’un des plus sournois d’entre eux, n’était pas différent des autres. Profitant de la division provoquée par cette guerre sans fin, il parvint à se glisser dans l’ombre, invisible au milieu des conflits qui secouaient les mondes. Tandis que les bâtisseurs et les Athnasiens s’épuisaient à essayer de contenir le désastre, Azroliark, lui, s’amusait à jouer les espions.
S’il y a une chose qu’on peut dire de lui, c’est qu’il avait le flair pour trouver les faiblesses des autres. Et cette fois, il avait mis la main sur un véritable trésor : un ouvrage ancien, perdu depuis des siècles, contenant des secrets qui auraient dû rester enterrés. Grâce à ce livre maudit, il détenait la clé pour détruire les sanctuaires où les âmes elfiques reposaient, coupant ainsi ces pauvres âmes de leur ultime refuge. Il n’en fallut pas plus pour que les choses prennent une tournure encore plus catastrophique. Ah, vous savez ce que c’est : quand un démon met la main sur quelque chose de dangereux, ça n’est jamais pour faire du bien.
Et la guerre ? Eh bien, elle continuait, encore et encore, comme un mauvais cauchemar dont personne ne semblait pouvoir se réveiller. Les démons de la guerre sanglante ne se contentaient plus de leurs propres plans, non. Ils déferlaient sur ce monde-ci, déformant les terres, répandant la destruction et forçant les peuples à fuir ou à disparaître. La Canédie, autrefois prospère, était devenue un champ de ruines, ses habitants décimés ou dispersés comme des feuilles mortes dans un vent d’automne.
Mais là où la plupart voyaient une guerre qui n’en finissait pas, Haderzo, lui, avait une tout autre idée en tête. Il ne se souciait guère des batailles qui faisaient rage autour de lui. Non, ce qui l’obsédait, c’était sa libération. Il n’avait pas besoin de lever un doigt ; il avait des agents pour ça. Des serviteurs dévoués et terriblement efficaces, qui, dans l’ombre, traquaient les bâtisseurs disparus, cherchant à libérer les fragments de son âme emprisonnée dans les différentes geôles disséminées à travers les plans.
Le problème, évidemment, c’est que les bâtisseurs ne laissaient pas leur travail inachevé. Certaines prisons avaient encore leurs gardiens et protecteurs, des êtres tout aussi déterminés à empêcher quiconque de libérer Haderzo. D’autres, en revanche, avaient cédé au fil du temps, et les créatures infernales qu’elles retenaient s’étaient échappées, errant désormais librement sur le demi-plan, semant le chaos à chaque pas. Et pour les agents d’Haderzo, la tâche de retrouver les bâtisseurs et les prisons intactes était, disons… ardue.
Un nouvel espoir
C’est à ce moment-là qu’Ademonium, dans sa sagesse (ou son désespoir, difficile de dire avec ces entités), décide de nommer un certain Maître Lavatrain pour diriger les opérations. Il fallait bien que quelqu’un prenne les choses en main, n’est-ce pas ? Et qui d’autre que Lavatrain pour envoyer ses propres agents sur le plan d’Haderzo ? Ces agents n’étaient autres que les Corbeaux, bien sûr. Ah, les Corbeaux… Toujours là pour plonger dans les situations les plus désespérées.
Ils étaient un peu comme des échecs vivants, avancés sur le grand échiquier de ce conflit cosmique. Leur mission ? Trouver ce qui restait des bâtisseurs, découvrir les prisons encore inviolées, et espérer qu’il n’était pas déjà trop tard pour empêcher Haderzo de revenir pleinement. Pas vraiment une mince affaire, mais vous savez comment sont les Corbeaux. Ils ont ce don de se retrouver en plein cœur des pires ennuis et d’en sortir… plus ou moins vivants.